Boston 2008

Boston 2008

Boston 2008

Boston, LE marathon

Nul besoin de titre élaboré tant l’association du nom « Boston » au mot « marathon » est évocatrice. Le 21 avril dernier, j’ai eu l’immense privilège de participer à la 112e édition de cette course mythique et ce fut une expérience tout à fait extraordinaire qui n’est pas près de s’effacer de ma mémoire. Les mots qui suivent ne sauront suffire à exprimer l’indicible joie d’avoir couru cette belle route sinueuse, ce parcours chargé d’Histoire, d’émotions fortes, d’efforts acharnés, de sueur et… de verres de Gatorade!

Au privilège de pouvoir partager la même voie que les illustres Gérard Côté, Jacqueline Gareau, Clarence DeMar, Bill Rodgers, Joan Benoît et tutti quanti, s’ajoutaient ceux d’être accompagné de mon épouse et de voyager avec le groupe organisé de Pierre Bourassa. Ce « gentlemen runner » qui en était à son 117e marathon (vous avez bien lu!) sait vraiment y faire en termes d’organisation. Généreux de sa personne, simple et bon vivant, il a su bien prendre soin de ses ouailles et faire en sorte qu’ils aient pu se concentrer sur la course elle-même, les aspects logistiques étant réglés de main de maître. J’en profite pour lui réitérer l’expression de mon éternelle reconnaissance.

Comme l’indiquait La Presse le 20 avril dernier, le Marathon de Boston est mythique. Lancé en 1897 dans la foulée du premier marathon olympique moderne tenu l’année précédente, il s’agit du plus ancien marathon à avoir lieu sur une base annuelle (le plus ancien étant bien sûr la course légendaire de Phidippidès). Les coureurs voulant y participer doivent obligatoirement avoir terminé un autre marathon au préalable à l’intérieur d’un temps prescrit en fonction de l’âge et du sexe. Par exemple, avec 45 printemps, je dois courir la distance en moins de 3h30. Boston fait par ailleurs partie des 5 marathons dits « Majors » avec Berlin, Chicago, Londres et New York.

Nous avons donc quitté Montréal tôt samedi matin, le 19 avril pour la ville natale de Benjamin Franklin (1706-1790), célèbre homme d’État et inventeur du paratonnerre. Dans notre autobus, l’ambiance était d’ailleurs électrique tant le courant entre les passionnés de la course passait bien. Quelle ambiance ! Tous avaient hâte au Jour J et partageaient d’intéressantes anecdotes de course. Le ton était donné pour le reste du week end. Mon épouse, une non-initiée de notre « secte », nous écoutait avec amusement et constatait que je ne suis pas le seul dépendant de cette bonne et douce « drogue » de la course à pied.

Nous étions une soixantaine à bord et avons pu lire, en primeur, un article à paraître dans l’édition de La Presse du lendemain (section Sports, page 8) sur la participation de 251 coureurs Québécois au marathon de Boston cette année. En effet, le directeur des sports de ce quotidien, Jean-Pascal Beaupré, et son épouse étaient des nôtres. L’article présentait aussi un des coureurs d’élite au Québec, Louis-Philippe Garnier, également de notre groupe. Vraiment, ce périple débutait sur la bonne note!

De notre club, Ghislaine Beaulieu, Marcel Giroux et votre serviteur se trouvaient à bord de l’autobus, de même qu’Orysia Krucko qui avait décidé de nous accompagner. Sandra Girard, Mary-Elizabeth Jones, Odile Ouellet, Marc Lavoie, Robert Gemme et Daniel Girouard voyageaient par leurs propres moyens. Le CCRMSB était très bien représenté.

Arrivés tôt en après-midi, nous sommes allés à l’Expo-Santé quérir notre dossard, puce électronique et chandail technique à l’effigie du marathon. L’événement avait lieu au Hynes Convention Center et tout était vraiment « BIG », comme les « Amââricains » aiment faire les choses. Compte tenu du nombre de participants à ce prestigieux marathon, il y avait foule et cela prenait de longues secondes pour passer d’un kiosque à l’autre.

Je me suis laissé tenter par de nombreux items de marchandise aux couleurs du marathon 2008, et j’ai également eu le plaisir de jaser avec le grand responsable du marathon de Montréal pour constater à quel point il s’avère ardu pour lui de négocier avec les autorités de la ville de Montréal et de la Régie des Installations Olympiques. Il semble que ces gens décidément peu coopératifs ignorent à quel point tout marathon d’envergure peut entraîner de belles retombées pour sa ville-hôte. Ailleurs, M. Hoyt, cet ex-Marine qui participe à des marathons et des « Ironman » en transportant son fils handicapé, était présent pour dédicacer son livre et je fus très ému de lui serrer la pince.

Après plus de 3 heures dans cette foire, nous sommes rentrés à l’hôtel Midtown, un établissement à prix modique situé tout près de l’arrivée du marathon et que Pierre avait « trouvé » l’année précédente. Le restaurant où nous soupions ce samedi disposait de 3 écrans de télévision, dont deux montraient un match de baseball et l’autre le 6e match de la série Bruins-Canadiens ! Comme quoi les priorités sportives diffèrent d’une ville à l’autre.

Le dimanche fut consacré à la visite de cette très belle ville, les incontournables étant le beau parc public Boston Common, Faneuil Hall (qui fut témoin de nombreuses rencontres menant à l’Indépendance) et Quincy Market. Le soir venu, nous sommes allés au souper de pâtes qui se tenait à l’Hôtel de Ville, un immense édifice de type « bunker » qui jure autant dans son environnement que notre Palais de Justice dans le Vieux-Montréal.

Ce pasta dinner ne s’est pas avéré le clou de la journée parce que nous étions éparpillés un peu partout dans ce temple du béton et le choix de nourriture n’était pas très varié. Je dois cependant admettre que gérer un si grand nombre de convives demandait tout de même beaucoup d’organisation. Avec une bonne dose de Taylorisme appliquée au processus, tout s’est bien déroulé et les jeunes bénévoles ont su nous servir une bonne rasade d’enthousiasme.

Pour le grand jour, Pierre avait vu à ce que nous puissions utiliser notre propre autobus pour se rendre au point de départ dans la petite ville d’Hopkinton. Ainsi, nous avons pu y relaxer et faire nos derniers préparatifs en tout confort. Au moment opportun, nous avons quitté notre abri pour traverser un « Village des Athlètes » improvisé sur le terrain d’une école secondaire, remettre nos effets dans les autobus qui les apporteront à la ligne d’arrivée et nous rendre dans nos enclos (« corrals ») respectifs pour attendre le départ. On ne pouvait s’empêcher de constater à quel point, après toutes ces nombreuses dizaines d’années d’expérience, la logistique était réglée au quart de tour.

Et il fallait bien une solide organisation pour si bien gérer la présence envahissante d’environ 25 000 coureurs fébriles dans une petite ville. On avait donc prévu 2 vagues de départ, soit les dossards 1 à 13 999 qui s’élançaient à 10h00 et les autres à 10h30, pour éviter un trop grand engorgement lors des premiers kilomètres. Ces deux vagues étaient divisées en groupes de 1 000 coureurs, chacun dans son « corral » selon l’ordre de vélocité. En effet, comme les numéros de dossard étaient attribués en fonction du temps de qualification utilisé par les coureurs (par exemple, mon dossard no 8315 correspondait à mon temps de 3h19 fait à Québec), le premier « corral » contenait les coureurs aux dossards 1-999, le second contenait les dossards 1 000-1 999, et ainsi de suite, le tout devant permettre un déploiement plus harmonieux du peloton.

Après l’hymne national et le passage rapide de deux chasseurs dans le ciel, survint le moment tant attendu du départ. Naturellement, à ma hauteur, il m’a fallu environ 3 minutes pour me rendre à la ligne de départ… et environ 3h30 pour parvenir à celle de l’arrivée. Le ciel était nuageux et la température d’environ 12 Celsius, soit de bien meilleures conditions que l’année précédente. Le soleil est apparu progressivement au fil des kilomètres et le mercure a donc grimpé quelque peu; heureusement qu’une légère brise nous rafraichissait par moments.

Le parcours est à peu près linéaire et débute en milieu rural sur une route bordée d’arbres. Déjà, la foule y est très nombreuse et enthousiaste. La principale difficulté des 10 premiers kilomètres consiste à ne pas se laisser emporter trop vite par l’entrain des autres coureurs et, surtout, ne pas se faire piéger par une topographie plutôt descendante. Mon plan était de me garder des réserves pour bien affronter les 4 côtes de Newton entre les 26e et 32e kilomètres (dont la fameuse « Heartbreak Hill »).
On m’avait parlé de ces filles du collège Wellesley qui s’excitent et crient à tue-tête peu avant le passage au 21e kilomètre. Eh bien, ce n’est point une légende urbaine! On pouvait même entendre la clameur au loin. Quelle ambiance frénétique! Quel bruit assourdissant! La foule du Centre Bell peut bien se rhabiller. Wow! Plusieurs de ces jeunes dames tenaient des pancartes indiquant « marry me », « kiss me » et autres suggestions originales. Toutes s’étiraient au-dessus des barrières pour un « high five ». Je ne vivrai pas assez vieux pour oublier ce passage en mi-parcours, ni cette petite tape sur le postérieur par l’une d’elles! J’ai distribué davantage de « high five » au long du parcours qu’au cours du reste de mon existence.

Car il y avait foule tout le long des 42,2 km du parcours et très peu d’endroits dépourvus de supporters. Étant plus habitué aux parcours où les spectateurs se font plutôt rares, je suis à court de mots pour bien exprimer la sensation extraordinaire d’être encouragé par une foule si nombreuse, si enthousiaste et démonstrative, et pour une si longue durée. L’énergie de ces foules m’a littéralement transporté.

Finalement, les collines de Newton ne me sont pas apparues si redoutables; j’ai même trouvé Heartbreak Hill relativement facile en ne forçant pas trop la note. Sans doute que le tempo modéré que j’ai adopté en première moitié de course y était pour quelque chose. Tous n’ont certes pas eu cette même impression puisque les marcheurs étaient nombreux à cet endroit. De l’autre côté, le parcours redevient descendant en majeure partie jusqu’à l’arrivée au centre-ville de Boston, près de la Tour John Hancock.

Mes efforts ayant été bien dosés auparavant, les 10 derniers kilomètres furent agréables et j’ai senti mon sourire réapparaître dès que l’immense enseigne CITGO indiquant le 25e mille s’est signalée à l’horizon. Par la suite, je voyais se dresser les édifices Prudential et John Hancock et sentais la fin approcher. Lors des 4-5 derniers kilomètres, la foule devenait encore plus compacte et bruyante, dans un véritable débordement d’enthousiasme et une orgie d’encouragements. Les dernières foulées ont été tout simplement magiques et la traversée sous l’immense arche bleue de l’arrivée restera imprimée longtemps en mémoire.

Et c’est là que la qualité de l’organisation entre de nouveau en jeu. Quelle logistique bien huilée! Les coureurs étaient accueillis par un dispositif impressionnant de bénévoles qui les dirigeaient vers les tables d’eau, puis vers les endroits où l’on remettait à chacun une couverture métallique, une belle médaille et un goûter, et ensuite vers les autobus contenant les effets personnels. Les reflets du soleil sur les très nombreuses couvertures métalliques offraient une image saisissante.

Tout au long de ce processus, les bénévoles se donnaient la peine de nous applaudir, comme pour nous faire plus facilement réaliser ce que nous venions tout juste d’accomplir. Wow! Je n’en reviens pas encore. Quel beau marathon! Je pense d’ailleurs qu’il s’agit de la conclusion partagée par la majorité des 21 963 coureurs ayant franchi le fil d’arrivée, le premier en 2h07 et le dernier en 7h41. Notre ami Louis-Philippe a réussi à se classer 10e dans son groupe d’âge, et 62e au total, une très belle performance dont il est très heureux. M. Hoyt et son fils ont terminé en 4h07 et un certain ex-champion cycliste en 2h50.
À l’initiative de Pierre, la presque totalité de notre groupe s’est retrouvée en soirée pour un bon souper. Encore une fois, l’heure était aux échanges d’anecdotes. Les sourires sur les visages en disaient long et plusieurs arboraient leur belle médaille. Heureux et fourbus, nous avons également célébré la victoire de notre équipe de hockey. Nous sommes rentrés au Québec dès le lendemain au terme d’un séjour plutôt bref mais combien intense et enrichissant.

Marc Dagenais

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