Ultimate XC
L’ultime marathon ?
En ce 21 juin 2008, par une belle journée juste un peu humide et ensoleillée, la petite ville de Val-Morin nichée au coeur des Pays-d’en-Haut, accueillait la toute première édition du « Ultimate XC » en sol canadien sous la présidence d’honneur de Jacqueline Gareau, grande dame du marathon. Avant d’aller plus loin, j’exprime d’emblée que mon récit n’est pas celui que j’envisageais d’écrire parce que mon marathon fut malheureusement interrompu à mi-chemin. Quoiqu’il en soit, cette épreuve, même tronquée, s’est avérée une expérience inoubliable et instructive ainsi que vous le découvrirez en lisant ce qui suit.
L’organisation
L’organisation Ultimate XC ou Americas Ultimate Off Road Challenge (http://www.ultimatexc.com) a pour mission de tenir des événements sportifs en plein air, hors des sentiers battus (autant au sens propre que figuré). Plus précisément, Ultimate XC est maître d’œuvre de 3 séries d’événements, à savoir : course à pied, vélo de montagne et épreuves multi-sports par étapes.
S’agissant de la série de course à pied, 3 épreuves figurent au menu en 2008 : après Val-Morin, la prochaine aura lieu à Jay au Vermont le 26 juillet (désolé, c’est complet depuis quelque temps déjà) et, en guise de dessert, l’aventure prendra fin à travers les décors spectaculaires du désert de Moab, Utah, le 15 novembre (épreuves de 10 et 20 milles, et 50 km). L’organisation Ultimate XC est présente à Jay (près du centre de ski éponyme) depuis 7 années et s’est méritée une réputation enviable pour l’originalité de ses parcours et le fort calibre des diverses épreuves.
L’événement
Pour cette première québécoise, l’événement comportait trois épreuves de 10, 21 et 42 kilomètres ainsi qu’une course de 2 km pour les 10 ans et moins. Ces défis sportifs plutôt relevés s’inscrivaient dans un cadre festif puisque des jeux forains, spectacles et activités culturelles figuraient aussi à l’horaire jusqu’en soirée (avec des feux d’artifice pour couronner le tout). Un service de garde pour enfants de parents compétiteurs était même prévu! D’ailleurs, la ville avait décidé de devancer les fêtes de la St-Jean-Baptiste au 21 juin, et les autorités avaient bouclé tout le secteur de la mairie où les activités se déroulaient. Ainsi étaient conjugués efforts et plaisir en cette journée endiablée.
Les particularités
Avant d’aborder la course, il faut souligner à quel point celle-ci se trouve dans une catégorie à part et les informations dispensées sur le site web officiel ne manquent pas de mises en garde sur ses particularités, difficultés et (n’ayons pas peur des mots) risques. En effet, nous étions avertis qu’il nous faudrait gambader sur un tapis de roches, boue et racines à travers ruisseaux, marécages, clairières, forêts, escarpements, rochers et autres caprices topographiques dont Mère Nature a le secret.
Toujours d’après le site web, il fallait s’attendre à courir environ le double du temps autrement requis pour une course de même distance sur bitume, en l’absence de bornes indiquant le kilométrage sur le parcours et avec des stations de ravitaillement plus espacées (le ravito perso était recommandé).
Le site web comportait par ailleurs un forum où les inscrits pouvaient partager leurs impressions face au défi qui les attendait et où le « G.O. en chef », Dan DesRosiers, en profitait pour annoncer les dernières mises à jour et prodiguer quelques conseils (notamment quant à l’importance d’utiliser des chaussures « trail »). L’enthousiasme des blogueurs atteignait son paroxysme quelques jours avant l’événement alors que l’organisation annonçait l’ajout d’une traversée à la nage (300 pi. avec l’aide d’un câble) d’un lac résultant d’un barrage de castors. Cela vous donne une idée du genre de parcours!
Le départ
Quelques minutes avant le départ, madame Gareau y allait de son discours de bienvenue (bilingue étant donné la présence de coureurs du ROC et des USA). Notant la présence d’un nombre important de « masters », elle déclara quelque chose comme : « ce n’est pas parce qu’on vieillit qu’il faut cesser de s’amuser et c’est lorsqu’on cesse de s’amuser que l’on vieillit ». À retenir! Ne voulant pas être en reste, M. DesRosiers, tel Winston Churchill promettant « blood, sweat and tears » au peuple à la veille de la Bataille d’Angleterre, proclamait bien haut quelque chose comme « je suis votre pire cauchemar ». Rien de moins!
Toutefois, ces « menaces » ne semblaient pas affecter la bonne humeur du peloton au départ et j’ai d’ailleurs trouvé notre petit groupe très convivial. Ici, pas de grosse tête ou de types stressés (« pas parlables ») avant le signal de départ, contrairement à d’autres courses auxquelles j’ai participé. Il va sans dire que je n’ai pas vu de Kenyans…
La caravane du marathon s’ébranlait à 8h00 AM et celles du 21 km, 10 km et 2 km suivaient à une heure d’intervalle. La toute première section du marathon nous amenait sur un sentier très étroit parcourant un terrain plutôt accidenté et abrupt derrière la mairie; on aurait voulu nous plonger immédiatement dans le bain qu’on ne s’y serait pas pris autrement. Ensuite, après une très brève incursion urbaine, nous plongions dans les entrailles de la forêt pour de bon.
La course
Très vite, le parcours devenait très « technique » : les sentiers n’ont définitivement rien à voir avec ceux, bourgeois, du Mont St-Bruno. Il faut demeurer très attentif où l’on pose le pied sans toutefois trop baisser le regard afin d’éviter les branches qui peuvent soudainement s’imprimer sur notre front. Dès que le tempo s’élève, il faut augmenter le degré de concentration d’autant; la vigilance s’impose à tout moment.
Certes, ce n’est pas de tout repos mais je me suis presque surpris à aimer cela, grisé par cette communion avec la nature et l’effort… Pour ce qui est des portions très difficiles, il suffit de ralentir, en profiter pour reprendre son souffle et reprendre ensuite le tempo. Et voilà! Ce n’est pas plus compliqué que cela : une pente, un rocher, un marécage à la fois… En plus, il faut dire aussi que certains points de vue valaient vraiment le détour. Il fut par ailleurs saisissant de voir un coureur s’enfoncer jusqu’aux hanches à quelques mètres devant soi dans une portion marécageuse du parcours, laquelle précédait une interminable montée qui nous a forcés à marcher. Bref, en ces lieux, l’homo runningus touche au nirvana.
Aussi, il m’est apparu plus aisé de gérer l’effort parce que le facteur « chrono » s’avère de moindre importance. Comme les 7 marathons sur bitume que j’ai complétés ne pouvaient servir de base de comparaison, je manquais de repères pour l’aspect temps de toute manière.
Le tracé
Le parcours traversait nombre de terrains privés et quelques sympathiques propriétaires agissaient comme bénévoles aux stations de ravitaillement. Il convient ici de les remercier en souhaitant qu’ils veuillent bien réitérer l’expérience l’an prochain. D’ailleurs, afin de préserver ce caractère privé, l’organisation avait décidé de ne pas afficher le tracé des courses sur le site web, ni de distribuer de plan aux participants.
Afin de bien baliser le parcours, l’organisation avait pris un grand soin de le parsemer de nombreuses flèches et, sur les premiers kilomètres, a utilisé une très généreuse quantité de ruban adhésif jaune. Malgré cela, il existe UN endroit (soit un croisement permettant de passer d’une boucle à la suivante) où les indications n’ont malheureusement pas suffi à bien guider une trentaine de coureurs (marathon et autres courses), dont l’auteur, quelque part après le poste de ravitaillement du 15.3 km. Ainsi, au lieu d’attaquer une nouvelle boucle et poursuivre vers l’arrivée, la trentaine d’égarés recommençaient la même boucle. C’est dommage parce que, dans l’ensemble, j’ai trouvé la signalisation à la hauteur, compte tenu de la nature capricieuse du parcours.
La mésaventure
Pour ma part, au moment où je me suis rendu compte que je passais à côté du même couple d’ambulanciers, je constatais qu’après plus de 2 heures et quart de course (et au moins 30, sinon 40 minutes depuis le poste de 15.3 km), je me dirigeais de nouveau vers le poste de 15.3 km (que j’estimais d’ailleurs atteindre dans plus de 30 minutes supplémentaires) et ce, sans savoir où je m’étais trompé de direction auparavant. Je dois admettre qu’après avoir récité un chapelet à voix haute, j’ai commencé à être passablement découragé parce que je souhaitais faire un marathon, pas un ultra. Je n’ai par ailleurs pas songé à rebrousser chemin puisque je doutais fortement trouver le bon croisement en courant en sens inverse! Un plan du parcours localisant les ambulanciers (et autres points d’intérêt) m’aurait été utile, je crois.
En ruminant de mauvaises pensées et en tentant de calculer le temps qu’il me restait tout en supposant que je trouverais le bon chemin à la seconde tentative, je constatai que mon compagnon de course (égaré, lui aussi) m’avait passablement devancé. En continuant de maugréer et calculer, j’ai accéléré le pas pour le rejoindre et je suis convaincu aujourd’hui (avec le recul nécessaire) que mon degré d’attention au parcours (et ses nombreux pièges) a diminué dès cet instant. En une fraction de seconde, mon pied s’est soudainement tourné vers l’intérieur et une douleur vive s’est manifestée. Résultat : une cheville drôlement enflée, des bouts de ligaments déchirés et un marathon irrémédiablement raté!
Après avoir récité un nouveau chapelet, plus intense que le premier, j’ai bien tenté de poursuivre ma route mais, la mort dans l’âme, j’ai dû me résigner à faire demi-tour et rejoindre le couple d’ambulanciers, heureusement à proximité. Alors qu’ils examinaient ma cheville gauche endolorie, j’étais aux premières loges pour constater la surprise (mêlée de colère pour certains) sur les visages des coureurs qui découvraient qu’ils passaient de nouveau à côté des 2 mêmes ambulanciers! Ces derniers m’ayant très fortement recommandé de cesser de courir et, en ne sachant pas si je devais courir 48, 50 ou même 55 km en bout de ligne, je me suis résigné au retrait de la compétition.
Cette décision fut bien plus douloureuse moralement que physiquement. J’estime avoir parcouru presque la moitié de la distance (en incluant la portion recommencée) et j’avais encore suffisamment de jus dans le réservoir pour aller jusqu’au bout. Je serais donc demeuré sur mon appétit si j’avais couru le demi-marathon.
Quel dommage! J’aurais vraiment aimé traverser le lac vers le 30e kilomètre. Finalement, remettre ma puce à l’arrivée sans récolter de médaille en retour fut un coup très dur pour l’orgueil. Il y aura un trou béant dans ma collection de ces breloques et, dans la même veine, je donnerai mon chandail puisque je n’ai pas complété cette course.
La leçon
Je me console en sachant qu’il y aura d’autres marathons (le prochain : Québec) et je peux vous assurer que les moments où je franchirai le fil d’arrivée seront désormais davantage appréciés. Je ne regrette vraiment pas ma participation et, avec le temps, je suis déjà convaincu que j’en conserverai un excellent souvenir. C’est d’ailleurs le cas des nombreux coureurs qui ont depuis partagé leur expérience sur le forum du site web.
J’ai appris qu’en participant à ce genre de course, il faut être prêt pour une gamme plus vaste d’éventualités que pour un marathon « ordinaire », y compris de s’égarer! Par conséquent, il faut se préparer mentalement à parcourir une DISTANCE PLUS GRANDE que celle qui est indiquée, au besoin. Même s’il ne faut pas se laisser intimider par les menaces de cauchemar et autres affirmations du genre, il faut néanmoins être conscient des risques intrinsèques à ce type d’activité. J’étais fin prêt pour courir environ 42 km, mais pas 48, ni 52…
Les résultats
Pour fins de statistiques, le vainqueur du marathon (âgé de 50 ans, il faut le souligner) compléta l’épreuve en 4h08, la première dame en 4h33 et le dernier brave en 8h21; pour le demi, les temps sont respectivement de 2h16, 2h47 et 7h10; et 1h21, 1h38 et 3h44 pour le 10km. Le vainqueur du 2k enfants a terminé en 6 minutes 7 secondes et le dernier en un peu plus de 15 minutes. 59 coureurs ont terminé le marathon, 132 pour le demi, 140 pour le 10km et 42 enfants (notre relève). Sincères félicitations à tous.
Un lunch typiquement nord-américain servi par de très aimables et souriants bénévoles attendait les finissants des épreuves qui avaient aussi le loisir de prendre une douche ou bénéficier d’un massage réparateur. Une médaille commémorative presqu’aussi terne que celle du marathon de Montréal (c’est dire!) était remise à l’arrivée; une amélioration pour élever ce souvenir à la même hauteur que le calibre de l’événement serait bienvenue.
De plus, nonobstant mon mea culpa ci-dessus et pour le bénéfice de tout futur événement Ultimate XC au Québec, j’ose suggérer que les coureurs ainsi que les bénévoles soient munis de plans sommaires des parcours où seraient clairement indiqués les différents points de ravitaillement et autres particularités du parcours (e.g. chute, cabane, etc.) avec des estimés de distance, tout en ne fournissant aucune indication reliée aux propriétés privées.
De retour l’an prochain ? Il faut l’espérer. Mon égarement ne m’empêche certainement pas de transmettre mes félicitations à l’organisation pour son travail colossal.
Marc Dagenais