Doublé dans l’Ouest canadien

Doublé dans l’Ouest canadien

Un objectif un peu « flyé »

La course à pied nous amène souvent à tester nos propres limites. N’étant pas particulièrement rapide ni plus endurant que la moyenne, j’aime par contre croire que je dispose d’une très bonne capacité de récupération. C’est ce que je voulais vérifier en participant aux marathons de Saskatchewan à Saskatoon (24 mai) et de Calgary en Alberta (31 mai).

Ayant couru 2 marathons en 2 semaines sans traîner de séquelles en octobre dernier (WineGlass et Denver), j’ai voulu « pousser ma luck » en essayant ce doublé en une semaine. Pour enrichir davantage ce périple, j’ai profité de ma semaine de récupération entre les 2 épreuves pour rendre visite à ma fille aînée en stage à Edmonton, capitale de l’Alberta, et ensuite admirer les magnifiques montagnes Rocheuses avec mon épouse.

Il y a quelque temps déjà que je souhaite courir éventuellement un marathon dans chacune des 10 provinces canadiennes et chacun des 50 états américains. Je suis loin d’être convaincu que ce soit réalisable, mais je crois que rêver à si long terme me permettra d’entretenir ma passion pour la course.

Première étape: Saskatoon

Mon ami Bruno St-Pierre, l’increvable ultra-marathonien de notre club de St-Bruno, participait également à ce marathon après avoir complété un ultra de 100 km la semaine précédente à Drummondville, rien de moins! Il a déjà couru 2 marathons en un week end et représente donc pour moi une source d’inspiration. Sans surprise, nous étions les 2 seuls participants du Québec.

La Saskatchewan, c’est vraiment le plat pays : du hublot de l’avion, le regard n’embrassait que de vastes espaces à l’infini où le relief est inexistant. Saskatoon, principale ville de la province avec un peu plus de 200 000 habitants, n’est pas une grande métropole vibrante et son modeste centre-ville se traverse assez rapidement. À ma surprise, j’ai constaté que la récente vigueur économique de la province n’est aucunement reflétée dans la plupart des secteurs de la ville que nous avons vus. L’endroit n’est toutefois pas dénué de charme avec la rivière South Saskatchewan qui sépare les moitiés occidentale et orientale de la ville et est traversée par sept ponts en son centre. La médaille remise à l’arrivée porte d’ailleurs fièrement la mention « City of Bridges ».

Historique

Le marathon en était à sa 31e édition, ayant débuté en 1979, la même année que celui de Montréal. Malgré différents points de départ et d’arrivée au fil des ans, la majeure partie du parcours a toujours longé la rivière South Saskatchewan, une heureuse décision puisque ce décor, sans être spectaculaire, présente tout de même un cadre apaisant et naturel. L’événement, on s’en doute, a toujours attiré des foules relativement modestes : des 53 coureurs ayant complété le marathon inaugural, le contingent a graduellement augmenté jusqu’à 192 finissants cette année.

Au course de son existence, le marathon a compté différents commanditaires majeurs dont la Brasserie Molson (!) au début des années ’80, et connu différentes appellations comme « Saskatchewan Canada Goose Marathon ». Un compte-rendu de chaque édition apparaît sur le site web (www.saskmarathon.ca); on y apprend notamment qu’à l’époque où les marathoniens se faisaient rares, le temps moyen pour compléter l’épreuve était passablement inférieur à la moyenne contemporaine. Par exemple, le tout dernier marathonien de l’édition 1980 a franchi le fil d’arrivée en 3h41!

Avant course

À l’instar de la ville et du contingent de participants, l’Expo-Santé était de très petite dimension. Logeant dans un complexe de salles d’exposition de type hangar de foire agricole où le « pick up » régnait dans le stationnement de l’établissement (ainsi qu’ailleurs dans la ville), l’endroit dégageait un charmant caractère « provincial » dans une atmosphère plutôt conviviale.

Le souper aux pâtes avait lieu dans une autre section du « hangar » avec Rosey Edeh, spécialiste du 400m haies et détentrice du record canadien de l’épreuve, comme conférencière. Native de Montréal, ayant participé aux Jeux Olympiques de 1988, 1992 et 1996, elle figurait dans l’édition novembre & décembre 2008 du magazine Canadian Running et a partagé son intéressante expérience d’athlète avec beaucoup d’enthousiasme. Signe de l’hospitalité locale, nos voisins de table M. et Mme Healey, un charmant couple âgé en rémission du cancer et participant au 10km, nous ont invités (Bruno et moi) à partager leur brunch familial d’après-course.

Ouvert en 1935, l’hôtel assigné pour l’événement, le Bessborough (nommé en l’honneur du Gouverneur général de l’époque), s’inscrit dans la lignée des hôtels urbains de type château érigés au début du siècle dernier à travers le Canada par les compagnies de chemin de fer, tels que les Royal York (Toronto) et Château Laurier (Ottawa). Fait à noter, l’organisation n’a prévu aucun service de navette entre l’hôtel et le site de départ/arrivée 4 km plus loin, sans doute un reflet du caractère local de l’événement.

Première course de deux : sans dossard

En cette grise matinée, après avoir frénétiquement viré la chambre et mes bagages à l’envers, je constatais avec stupeur que mon dossard avait disparu! En désespoir de cause, ma puce électronique étant déjà attachée à mon soulier, j’en ai fabriqué un à l’endos de ma confirmation d’inscription.

Évidemment, avec ce branle-bas, nous sommes arrivés plutôt tardivement au Parc Diefenbaker (premier ministre conservateur de 1957 à 1963), site de départ/arrivée. Un bouchon de circulation nous empêchant d’y accéder, nous avons donc immédiatement garé la voiture, enfilé rapidement nos vêtements de course, trouvé chacun un buisson pour se soulager et couru jusqu’à la ligne de départ. Arrivés de justesse, on annonçait que le départ était retardé de 15 minutes pour laisser aux gens pris dans le bouchon de circulation le temps d’arriver!

Donc, à 7h15, les coureurs du marathon, demi-marathon et 10 km s’élançaient simultanément. Les marathoniens couraient d’abord la même boucle (aplatie puisqu’elle longe essentiellement les 2 rives de la même rivière) que les demi-marathoniens mais, au lieu de franchir la ligne d’arrivée, empruntaient un étroit couloir parallèle au couloir d’arrivée du demi, effectuaient un virage serré en « u » autour d’un cône (adjacent au tapis d’arrivée) et repartaient ensuite pour courir la seconde boucle qui s’avérait plutôt un tracé linéaire puisqu’il longe la même rive (ouest) de la rivière en mode aller-retour.

Aussitôt la seconde « boucle » entamée, le nombre de coureurs baissait dramatiquement au point où j’avais l’impression de courir seul par longs moments, sentiment renforcé par l’absence de spectateurs… et même de citoyens! Au demi-tour de cette seconde boucle, je fus surpris par l’absence de tapis magnétique (ou autre mesure de contrôle) et constatai que tout coureur situé hors de vue des autres (mon cas pendant de longs moments) pouvait raccourcir son trajet en faisant demi-tour prématurément.

Quoiqu’il en soit, le premier coureur termina en 2h42 et la première dame en 3h21; avec 3h19, c’est bien la première fois que je me trouve aussi haut qu’en 17e position dans un classement; Bruno termina en 3h51. En tout, 192 coureurs ont complété le marathon, 840 complétaient le demi et 760, le 10 km; en ajoutant les marcheurs, l’événement attira plus de 2000 participants, soit le plus haut total enregistré à ce jour. À l’arrivée, je constatais avec surprise que les courtes séances de massage étaient payantes! Finalement, la pluie froide qui avait alors débuté nous a fait réaliser que notre voiture était garée plutôt loin!

P.S. J’ai retrouvé mon dossard lundi matin…

Au tour de Calgary

En quittant Saskatoon, Bruno m’avait souhaité de terminer mon combo de marathons en 7h00 ou moins, ce qui me laissait au plus 3h41 pour compléter Calgary, un objectif que je trouvais raisonnable (au fond, je souhaitais terminer sous les 3h30). Chaque soir de la semaine, j’ai pris un bain d’eau froide avec glace pour les jambes, et je n’ai couru que 2 fois durant la semaine (dont une séance matinale au superbe Lac Louise dans le parc Banff), à un rythme léger pour moins de 20km au total. De plus, visiter ma grande fille et voyager avec mon épouse m’ont permis de décrocher mentalement de la course à pied.

Par conséquent, je me sentais frais et dispos une fois arrivé à Calgary. Mon ami Mathieu Girard, une des rapides gazelles de notre club de St-Bruno, participait au demi-marathon et profitait de son séjour pour rendre visite à un bon ami établi dans la région.

Nichée à 3600 pieds d’altitude et à une heure de route de l’entrée des Rocheuses, Calgary respire encore le dynamisme économique malgré le récent ralentissement. Le centre-ville n’est pas tellement étendu mais un très grand nombre d’édifices modernes en hauteur y sont concentrés. Par ailleurs, les eaux claires et rapides de la rivière Bow prennent leur source dans les Rocheuses et séparent le nord et le sud de la ville.

Historique et avant course

Le marathon en était à sa 45e édition, ayant débuté en 1963 avec 12 finissants et connu une brève interruption au cours des années ’60; un bref historique de l’événement au fil des décennies apparaît sur le site web (www.hsbccalgarymarathon.com). Aujourd’hui, l’événement est d’envergure selon les « standards » canadiens et comporte plusieurs épreuves dont un demi, des 10 et 5 km, un marathon-relais et une course pour enfants au cours de laquelle ceux-ci parcouraient 1,2 km après avoir couru 41 km, un chaque jour, du 20 avril au 30 mai inclusivement. Les parcours du marathon, demi, 10 et 5 km étaient également ouverts aux marcheurs.

Le climat peut être très variable : en 2001, le mercure dépassait 30 degrés Celsius après un frisquet 3 degrés l’année précédente. Depuis 1989, l’événement avait lieu en même temps que le fameux Stampede (début juillet) mais, pour cette année, l’organisation a décidé autrement après avoir constaté la difficulté de mobiliser bénévoles et personnel policier lorsqu’un événement de calibre international a lieu concurremment, de même que les tarifs hôteliers plutôt onéreux en cette période.

Bizarrement, malgré la présence de nombreux hôtels dotés de grandes salles de réception au centre-ville, l’Expo-Santé avait lieu au MaxBell Center, un grand amphithéâtre sportif situé loin du centre-ville et accessible en voiture seulement (à moins de connaître très intimement le réseau de transport en commun). Situé sur un promontoire, l’endroit offrait cependant une vue magnifique sur le centre-ville et les Rocheuses au loin. Plus bizarrement, l’organisation n’a pas prévu de pasta dinner!

Dernière course du périple : moment de vérité

Par une belle matinée ensoleillée et très confortable, nous avons pris le tramway près de l’hôtel en direction du site de départ/arrivée. L’organisation ayant obtenu un passage gratuit (en transport en commun) pour toute personne arborant son dossard, il va sans dire que j’ai pris maintes précautions la veille pour ne pas l’égarer. L’usage du tramway est une bonne idée… qui aurait sans doute été meilleure si la fréquence des trains avait été augmentée. Non seulement avons-nous attendu longtemps, les gens de la station suivante n’ont pu monter à bord faute de place dans des wagons bondés.

Le site de départ/arrivée était situé au parc Murdock, adjacent au Zoo de Calgary et environ 2 kilomètres au nord-est du centre-ville, à vol d’oiseau. Le départ avait lieu simultanément pour le marathon et le demi, à 7h00. Après avoir un peu trop tardé à la « bécosse » (ça devient une habitude depuis Tucson en décembre!), je me suis retrouvé presqu’en queue de peloton au signal de départ et j’ai alors dû dépasser en zigzaguant un long moment avant de trouver mon rythme de croisière.

Les 12 premiers kilomètres du parcours nous amenaient près du Saddledome (domicile des Flames de la Ligue Nationale de Hockey) et en périphérie sud et ouest du centre-ville pour nous faire ensuite longer la rivière Bow. Peu de relief et rien de vraiment spectaculaire. Aux environs du 13e km, les demi-marathoniens faisaient demi-tour pour rentrer au bercail; 2 km plus loin, une montée de près de 100 mètres sur un kilomètre attendait les marathoniens. En haut, nous étions cependant récompensés par une belle vue sur les Rocheuses au loin. Sans trop m’inquiéter, je sentais mes jambes plus raides qu’à l’accoutumée après une telle distance.

Par la suite, quelques boucles nous amenaient d’abord sur le campus de l’Université de Calgary puis, après la mi-parcours, dans le quartier aisé de Varsity Estates où quelques petites dénivellations défiaient nos jambes. L’on revenait ensuite descendre la même longue côte une fois rendus aux environs du 32e km. Finalement, nous longions essentiellement la rivière Bow jusqu’à l’arrivée. Avec la vue sur les Rocheuses en haut de la fameuse côte et la bourgeoise quiétude de Varsity Estates, cette dernière portion s’avère l’une des plus belles du marathon parce que bordée d’arbres et offrant plusieurs points de vue sur le panorama du centre-ville. Malgré cela, depuis le 36e km, j’avais vraiment hâte de finir!

À l’arrivée, un sentiment très fort d’accomplissement ainsi qu’une grande fierté m’ont envahi : j’ai terminé en 3h17, 2 minutes plus vite qu’à Saskatoon et bien en avance sur mon objectif, au 72e rang sur un total de 1039 finissants (7e dans mon groupe d’âge). En combinant les 2 marathons, cela me donne un « negative split », ce que je n’ai jamais été foutu de réaliser en un seul marathon. Comble de bonheur, la médaille remise est un véritable « belt buckle » de forte dimension : tout simplement original et superbe! Ici également, les massages étaient payants : est-ce coutumier dans l’Ouest?

Fidèle à son habitude, Mathieu a terminé le demi en 1h23, bon pour le 17e rang sur 2837 finissants (4e dans son groupe d’âge). Le marathon fut remporté en 2h30 (première dame en 3h02) et le demi en 1h06 (première dame en 1h17). Incidemment, la gagnante féminine du demi, Lioudmila Kortchaguina, indiquait (au quotidien local Calgary Herald) être venue courir le demi pour « récupérer » de sa deuxième position chez les dames (en 2h32) au marathon d’Ottawa la semaine précédente. Chapeau!

Finalement, je n’ai pas trop senti de séquelles après ce 2e marathon et j’ai rapidement eu recours au bain d’eau glacée de retour à l’hôtel. Je peux vous assurer que la bière avait un goût très prononcé de victoire en ce beau dimanche après-midi. J’ai été agréablement surpris de constater le lendemain que mes jambes n’étaient pas trop raides malgré le voyage de retour en avion le soir même.

Test réussi, au suivant!

Marc Dagenais

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