Finir la journée en courant à Toronto
Après quinze marathons, un ultra, cinq 30K, seize demi-marathons et des dizaines d’autres courses derrière la cravate, je devrais savoir qu’il ne faut pas commencer trop vite une épreuve de longue distance. Il semble que j’aie jeté le manuel d’instructions aux ordures lorsque j’ai entrepris, à 17h30, l’épreuve de 30K du Midsummer Night’s Run à Toronto en ce nuageux samedi, 22 août (http://www.amidsummernightsrun.ca/).
À prime abord, mon geste était prémédité parce que je souhaitais tester mon endurance de seconde moitié de course après avoir délibérément couru la première moitié plus vite qu’à l’accoutumée, hors de ma zone de confort. J’ignore encore ce qui m’a poussé à vouloir me tester ainsi. Quoiqu’il en soit, j’ai commis deux erreurs : la première fut de surestimer ma capacité de récupération au point d’oublier que je venais de compléter un marathon six jours auparavant, en réalisant au surplus mon meilleur temps; la seconde fut de partir une coche encore plus vite qu’envisagé.
La bizarrerie de mon test personnel semble néanmoins en harmonie avec le caractère hors normes (il est tout de même inusité de commencer une compétition vers l’heure du souper!) de l’événement lui-même dont le nom est inspiré de la pièce « A Midsummer Night’s Dream » de William Shakespeare. Dès le départ, il semble donc que je me suis laissé emporter par une sorte de frénésie qui résultait probablement de l’ambiance résolument festive de l’événement où les participants déguisés étaient relativement nombreux. Ou peut-être était-ce le fait de courir en soirée, bien éveillé, plutôt qu’à l’aurore à moitié endormi?
Chose certaine, cet événement nous amenait à rompre avec la routine du souper aux pâtes de la veille suivi du dodo de bonne heure pour ensuite subir un réveil brutal vers 4h00 du matin et un pénible lever du corps pour ingurgiter un déjeuner spartiate environ trois heures avant le départ. Cette rupture du train-train habituel apportait une sensation de vacances; je me sentais presque comme un collégien lors du « spring break », les excès en moins…
Un autre trait distinct de l’événement résidait dans l’absence d’Expo-Santé; un comptoir de retrait des dossards dans une salle d’hôtel constituait notre premier contact avec l’organisation de la course. Le chandail technique à manches longues qui nous était remis, de couleur mauve et arborant une lune à l’endos, m’apparaissait davantage un article promotionnel du Cirque du Soleil.
Quoiqu’il en soit, nous étions fort joyeux dans l’aire de départ située au cœur d’un quartier industriel à l’est du centre-ville. Ce parc dénué d’arbres se trouve à l’ombre d’une immense cheminée rattachée à ce que nous croyions être un incinérateur à déchets (heureusement inactif à ce moment). Les premiers kilomètres du parcours, en plein secteur industriel, furent d’ailleurs quelconques.
Toutefois, le tracé changeait dramatiquement de caractère à compter du 6e kilomètre en longeant une péninsule qui s’avance vers le sud, bordée de chaque côté par les eaux du Lac Ontario. Cette paisible section maritime à travers le Parc Tommy Thompson se déroulait en mode aller-retour, le demi-tour s’effectuant en contournant un phare au 12e kilomètre. Chemin faisant, l’on pouvait apercevoir quelques beaux yachts amarrés tout près et le panorama des hauts gratte-ciel du centre-ville au loin. Le tronçon de la route près du phare était en gravier.
Par la suite, nous allions vers l’est nous balader de nouveau sur les berges du lac au Parc Ashbridge’s Bay et à la Plage Woodbine. La moitié du parcours à cet endroit empruntait une sorte de « Boardwalk » en planches de bois sur près de trois kilomètres. C`était assez original mais il m’a semblé que nous arrivions là comme un chien dans un jeu de quilles. Ici et là, des joueurs de volley-ball, pique-niqueurs et promeneurs nous regardaient comme si nous sortions tout droit de la planète Mars. Deux d’entre eux qui promenaient Fido et Médor avec des laisses plutôt élastiques ont failli me faire trébucher. Sur environ 200 ou 300 mètres, le « Boardwalk » était recouvert de sable.
Nous faisions demi-tour au 24e kilomètre pour revenir au point de départ, pratiquement en ligne droite. Nos amis David LePorho, Laurent Jugant, Mathieu Girard et Marc Lavoie ont terminé respectivement aux 1er, 3e, 11e et 16e rangs avec des temps impressionnants de 1h48, 1h56, 2h02 et 2h06. Le 766e et dernier finissant termina en 4h35. Aux deux tiers du parcours, j’ai payé pour mon empressement des premiers kilomètres; toutefois, cette « souffrance » des derniers milles n’aura pas été assez forte pour effacer le plaisir d’avoir participé à cette épreuve vraiment spéciale. J’ai tout de même terminé 36e en 2h14, rien pour écrire à mon coach, mais satisfaisant après mon récent marathon.
À l’arrivée, la pénombre commençait à s’installer tranquillement. Une aire était aménagée pour nous sustenter et arroser comme il se doit notre participation à cette course sans doute unique en son genre au pays. Croyez-moi, la médaille remise à chaque personne franchissant la ligne d’arrivée vaut son pesant d’or. Bref, un beau défi doublé d’une sortie amusante. Après, il nous restait suffisamment de temps et d’énergie pour une virée au centre-ville!
Marc Dagenais —————- 30 août 2009