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Ultime épreuve à Tremblant

Ultime épreuve à Tremblant

Ce que j’ai le plaisir de décrire ci-après s’avère nul doute l’épreuve sportive la plus longue et ardue qu’il m’ait été donné de vivre à ce jour, et une véritable aventure! En ce 27 juin 2009 nuageux et très humide, la seconde édition du « Ultimate XC » en sol québécois (et canadien) avait installé ses quartiers sur les terres accidentées du Mont Tremblant. Heureusement, le mercure n’était pas trop élevé!

L’an dernier, la première édition québécoise eut lieu à Val-Morin et comprenait trois épreuves de 10 km, demi et marathon ainsi qu’une course de 2 km pour les 10 ans et moins. Ma participation au marathon fut malheureusement interrompue après quelques 20 km de course en raison de ligaments déchirés à la cheville. Étant demeuré sur mon appétit, je souhaitais vivement prendre ma revanche cette année.

L’organisation

Connue sous le nom « Ultimate XC » (www.ultimatexc.com), l’organisation a pour mission de tenir des événements sportifs en plein air, hors des sentiers battus (autant au sens propre que figuré). Plus précisément, l’organisation est maître d’œuvre de 3 séries d’événements, à savoir : course à pied, vélo de montagne et épreuves par étapes multi-sports (3-5 jours). L’agenda 2010 promet d’en faire voir de toutes les couleurs, notamment avec le « Ultimate XC Challenge » qui aura lieu à Tremblant les 25, 26 et 27 juin et combinera des épreuves de canoe/kayak (jour 1), course à pied (jour 2) et vélo de montagne (jour 3).

Après Tremblant, le prochain événement de course à pied en 2009 aura lieu à travers les décors spectaculaires du désert de Moab, Utah, le 14 novembre (épreuves de 10 et 20 milles, et 50 km). À noter que l’organisation « Ultimate XC » s’était auparavant fait connaître de belle manière à Jay, au Vermont (près du centre de ski éponyme) au cours des 8 dernières années.

Particularités de ce type d’épreuve

Ce serait une erreur de ne pas insister sur le degré de difficulté technique des courses du « Ultimate XC », au point de les placer dans une catégorie à part. Nous avons en effet gambadé presqu’entièrement en forêt sur un sol rocailleux, boueux et enchevêtré de racines, parfois à travers ruisseaux et petits marécages, parfois en équilibre précaire sur des escarpements rocheux quelque peu glissants. Heureusement que la pluie de la veille avait alors cessé!

À plusieurs endroits, il me semblait n’y avoir aucun sentier et le défi consistait à suivre la voie tracée par la succession de rubans suspendus par les organisateurs aux branches des arbres. Sur ce circuit peu touristique où les obstacles capricieux dont Mère Nature a le secret étaient légion, il fallait bien sûr affronter l’hostile topographie de l’endroit en grimpant toute la montagne à 3 reprises. Oh! Je m’en voudrais d’oublier la présence envahissante de cohortes d’insectes qui nous ont tenu compagnie et sans qui la journée aurait sans doute manqué de piquant.

À titre de comparaison, les parcours du « Ultimate XC » n’ont définitivement rien à voir avec les sentiers du Mont St-Bruno et n’invitent aucunement à la balade contemplative avec la parenté. Il fallait constamment demeurer très attentif où poser le pied sans toutefois trop baisser le regard afin d’éviter les branches qui peuvent soudainement s’imprimer sur notre front (surtout si l’on suit un concurrent de près). Dès que notre tempo s’élevait le moindrement, il fallait augmenter notre degré de concentration d’autant; la vigilance s’imposait sans relâche.

Par conséquent, il ne fallait pas être surpris de combiner course et marche rapide en utilisant le double du temps, voire davantage, autrement requis pour franchir la même distance sur bitume. Il ne fallait pas non plus s’attendre à voir des bornes indiquant chaque kilomètre, ni d’être encouragé par des foules massées le long du parcours. Compte tenu du nombre relativement modeste de coureurs sur une si longue distance, le peloton s’est passablement étiré et l’on courait seul (ou presque) par longs moments. Les postes de ravitaillement étaient également plus espacés par rapport aux marathons urbains, mais drôlement bien pourvus en carburant (l’un d’entre eux offrant même des pâtes au poste du 41e km).

J’en profite pour souligner l’important travail des bénévoles à ces différents postes : installés au milieu de nulle part en forêt pendant de très longues heures, ceux-ci constituaient une cible de choix pour l’armée d’insectes en appétit qui sévissait à Tremblant ce jour-là. Je salue également l’habileté créative du directeur Dan DesRosiers à concevoir et mettre en oeuvre des courses aussi difficiles qu’originales susceptibles de pousser les participants dans leurs derniers retranchements.

L’événement

Cette année, les épreuves du 10 km et demi-marathon revenaient alors que le marathon était remplacé par un ultra de 50 km, et la course pour enfants par un 5 km ouvert aux jeunes de 8 à 15 ans accompagnés d’un adulte vu le degré de difficulté. L’organisation était fière d’annoncer 645 inscrits, dont un bon nombre provenant de l’extérieur du Québec (Alberta, Ontario, pas moins de 11 États américains et France).

Les distances furent précisées quelques jours avant l’événement, soit : 6,8 km pour l’épreuve du 5 km, 12,5 km pour le 10 km, un peu plus de 31 km (!) pour le demi-marathon et 58 km pour le 50 km. Compliments à l’organisation pour avoir mis en ligne de belles cartes topographiques illustrant avec précision chaque parcours et le relief dont on pouvait apprécier toute la brutalité saisissante.

Le site web comporte par ailleurs une section « forum » interactive fournissant de nombreuses informations utiles. Après la course, de nombreux participants l’ont utilisé pour exprimer leur appréciation de leur aventure et aussi y établir des liens électroniques avec leurs photos ou leur blog perso; d’intéressants récits s’y trouvent.

Les départs étaient synchronisés comme suit : 8h00 pour le 58 km, 9h00 pour le demi-marathon (de 31 km), et 10h00 pour les courses de 5 et 10 km. Une demi-heure avant chaque départ, Dan Des Rosiers nous livrait ses dernières instructions et mises en garde. Un mélange de fébrilité et de bonne humeur se dégageait de l’auditoire. Sans surprise, je n’ai pas vu de Kenyans…

Avant de partager mes souvenirs les plus forts de mon aventure de 58 km, je tiens à souligner l’originalité de ce parcours constitué de plusieurs boucles entrecroisées permettant la double-utilisation de la majorité des postes de ravitaillement, ainsi qu’à saluer les efforts déployés par les organisateurs pour bien le baliser en faisant une utilisation généreuse de ruban marqueur. Il devenait très difficile de s’égarer.

Cette configuration en boucles successives permettait aussi aux coureurs qui le souhaitaient d’écourter leur périple à 2 endroits. L’organisation leur offrait ainsi l’option de parcourir 27 ou 44 km, selon le cas, et d’obtenir tout de même un temps non-officiel pour la distance choisie plutôt que de risquer un « DNF ». Certains se sont d’ailleurs prévalus de cette invitation. L’organisation avait aussi prévu des temps-limites à certains points de ravitaillement et l’entrecroisement des boucles facilitait ce processus d’attrition.

La course de 58 km

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Après le départ, les premiers kilomètres à travers le village fabriqué par Intrawest et sur une piste cyclable n’était de toute évidence pas à l’image du reste du parcours. Cette promenade facile s’est avérée de courte durée puisque nous attaquions les sentiers assez tôt et, plus particulièrement, une section de 4 km dans un ruisseau entre les 10e et 15e kilomètres. Courir dans l’eau à contre-courant a soumis mes jambes à rude épreuve puisque je peinais à conserver mon équilibre sur un fond de pierres très glissantes tout en essayant d’avancer le plus vite possible (il s’agit tout de même d’une course). À plusieurs endroits, il m’était impossible de voir le fond de l’eau, ce qui m’a valu quelques chutes dans une eau plutôt rafraîchissante.

Au milieu de cette odyssée qui m’a paru durer une éternité, des photographes étaient judicieusement placés pour capturer ces glorieux moments sur pellicule; les images qui figurent sur le web (http://www.lephotoshoppe.com/eng/Ultimate_XC.html) valent mille mots. Une fois cette portion maritime complétée, nous arrivions au poste de ravitaillement no 2 où nous pouvions changer chaussures et vêtements trempés puisque l’organisation nous avait fourni des sacs afin que nous puissions y faire transporter quelques effets personnels. Je crois que nous avons tous profité de cette occasion pour mettre nos pieds au sec. Ce répit bien mérité nous a aussi permis de faire le plein de fruits, pretzels et Gatorade pour affronter la première montée au sommet.

Arrivé au sommet (22e km) vers midi, j’ai réalisé que je devais consacrer l’essentiel de ma journée à parcourir ce tracé dantesque. J’ai pris avantage de la descente à travers les pistes de ski alpin du versant Nord pour enfiler des kilomètres rapides sans trop de difficulté. Arrivé au poste de ravitaillement no 5 (même que no 2), j’en ai profité pour changer mes vêtements du haut (trempés de sueur) et bien me sustenter avant de faire face à l’intimidante montée d’environ 600 mètres vers le Pic Johansen.

Auparavant, l’organisation nous avait fabriqué un pont suspendu à l’aide de courroies nous permettant d’enjamber un ruisseau bien au sec, ce qui s’est avéré un amusant exercice d’équilibrisme bien apprécié pour nous changer les idées. Après, on grimpait au sommet… Et quelle ascension! Ici, l’épreuve n’avait plus rien à voir avec la course à pied puisqu’il était impossible de courir. Je me contentais de grimper le plus efficacement possible tout en me laissant griser par cette communion avec la nature et l’effort.
Une fois au sommet du Pic Johansen (33e km), il fallait bien redescendre, non? Ce jeu d’échelles et serpents s’est donc poursuivi sur ce qui me semblait être le lit d’un cours d’eau asséché, soit un terrain très rocailleux, extrêmement inégal et assez abrupt. À un endroit, il fallait saisir un gros câble pour assurer cette descente. Plus loin, cette véritable descente aux enfers se poursuivait en cherchant du regard les rubans suspendus aux branches pour s’orienter parce que le sentier semblait avoir disparu.

Sur ce tronçon qui m’est apparu trop long, le sol très « raboteux » était camouflé sous les fougères et autres arbustes. Je n’ai pu y prendre de la vitesse vu les nombreux pièges de ce chemin qui m’ont servi 5 légères foulures de la cheville gauche, une roulade freinée par un coup de coude sur une pierre et, pour dessert, une sérieuse entorse à la cheville droite. Mais pas question d’arrêter, je voulais terminer coûte que coûte et puis, au beau milieu de nulle part, aussi bien continuer d’avancer!

Je n’ai pu m’empêcher de trouver cette difficile section franchement pénible. Alors que j’avais besoin de jambes alertes et solides, elles flageolaient de plus en plus vu la fatigue accumulée. Fort heureusement, le poste du 41e km offrait (en pleine forêt, faut-il le rappeler) un impressionnant buffet permettant de refaire le plein de carburant, et oublier la fatigue et la cheville endolorie. J’étais bien content de pouvoir manger des pâtes, échanger mes impressions avec d’autres participants et reprendre mes esprits avant de grimper de nouveau vers le Pic Johansen (45e km)!

Le dernier round

Cette fois sur plus de 600 mètres, cette ascension m’a semblée encore plus ardue et technique que les précédentes. Par contre, la suite du parcours qui nous amenait sur la crête de la montagne en direction du sommet « The Edge » fut des plus agréables : non seulement y avait-il un vrai sentier qui nous permettait de bien voir où poser les pieds, mais en outre plusieurs magnifiques points de vue s’offraient à nous. J’en ai donc profité pour véritablement courir (enfin!) en m’étonnant de ma relative aisance en dépit de l’entorse, la fatigue et une distance parcourue déjà supérieure au marathon. En apercevant le sommet des pentes de ski (poste du 49e km), j’ai même ressenti un regain de vie. Enfin, je pouvais entamer la descente finale vers l’arrivée. Un dernier droit pépère, pensais-je…

Erreur! Nous faire simplement descendre par l’une des nombreuses pistes de ski alpin aurait été simple et sans doute souhaité par bien des coureurs qui n’avaient alors qu’une pensée en tête : en finir au plus vite. Mais non! Il fallait compter sur l’imagination teintée d’un brin de sadisme de Dan DesRosiers qui nous a plutôt conviés à découvrir le sentier dit du Grand Brûlé qui, paraît-il, est très apprécié pour la descente en vélo de montagne.

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Ce fut encore une descente assez technique qui ressuscita mes tremblements aux jambes et s’imprimera encore longtemps dans ma mémoire. Non seulement je devenais de plus en plus épuisé, mais également de plus en plus craintif de me blesser si près du but. À peu près à mi-chemin, un promontoire offrait un superbe point de vue sur le Lac Tremblant et le village d’Intrawest. Je n’ai pu m’empêcher d’y faire une pause pour emplir mes yeux de ce magnifique panorama. Carpe diem!

Après, l’approche du village décupla mon empressement à conclure. Traverser de nouveau le village au milieu des applaudissements et encouragements fut un moment fort qui couronnait de belle manière ce périple extraordinaire m’ayant amené une fois de plus à repousser davantage mes limites. L’aire d’arrivée se trouvait sur la petite plage du Lac Tremblant et y faire une trempette rafraîchissante fut tout simplement irrésistible.

Après l’arrivée, les coureurs étaient invités à utiliser les douches de l’Aquaclub La Source, niché en plein cœur du village, et à refaire le plein de calories avec hambourgeois et salades. Quant à la médaille remise à chaque finissant, je trouve que sa dimension et son originalité sont inversement proportionnelles au degré de difficulté de l’épreuve et au degré de satisfaction que l’on éprouve à franchir la ligne d’arrivée.

Fenêtre ouverte sur un nouvel univers

En terminant l’aventure en 10h17 et en milieu de peloton avec un peu plus de 3 heures après le gagnant (pour les statistiques, voir www.quidchrono-search.com), je me suis immédiatement juré de ne jamais plus refaire ce type de course, de ne plus prendre ce genre de risques alors que je m’approche de la cinquantaine. Même si je n’avais rien à redire sur l’organisation et l’événement, j’ai rapidement conclu que ce n’est pas ma tasse de thé, particulièrement quant au terrain truffé de pièges de la portion aller-retour du Pic Johansen (entre les 33e et 45e kms).

J’avais également conclu qu’une compétition comportant de si longs et nombreux épisodes de marche forcée (même si relativement rapide) pouvait difficilement être désignée comme étant de la course à pied. Je me suis bien vite ravisé en réfléchissant aux circonstances et à l’environnement topographique qui nous obligeaient à marcher : cours d’eau, pentes abruptes, terrain risqué et autres obstacles divers. L’effort demandé, parfois seulement pour rester en équilibre, me semble au moins aussi ardu et valable que pour la course ininterrompue sur bitume.

Avec le temps, j’apprécie de plus en plus avoir participé à cet événement unique en son genre au Québec. J’en suis non seulement devenu très fier (il s’agit de mon premier ultra-marathon), mais je prends surtout conscience d’avoir découvert un tout autre univers de course, certes intimidant mais ô combien excitant! Alors que la perspective de courir des ultra-marathons m’est toujours apparue impensable, je me surprends maintenant à m’intéresser à ce type de compétition. Quoiqu’il en soit, je choisirai sûrement un terrain plus amical pour la prochaine fois parce que je doute que mes chevilles fragiles voudront encore m’accompagner.

Félicitations aux participants, chapeau à Dan DesRosiers et son équipe, et merci aux endurants bénévoles.

Un mot en terminant : WOW!

Marc Dagenais

Ultimate XC Moab 2008

Ultimate XC Moab 2008

Bruno St-Pierre

par Bruno St-Pierre

Courir un ultra marathon est déjà une expérience spéciale, mais le faire dans un décor aussi exceptionnel que celui de Moab, Utah, est quasi indescriptible…

Moab est une petite ville de moins de 5,000 habitants qui est décrite par plusieurs comme étant le paradis du plein-air. Ce n’est pas pour rien d’ailleurs que ce magnifique coin des États-Unis a été choisi par Hollywood comme toile de fond pour des films tels que « Forrest Gump », « Indiana Jones » et « Thelma et Louise » !

C’est donc par un samedi matin ensoleillé mais près du point de congélation que le départ des diverses épreuves du UltimateXC de Moab fut donné. Les chauds rayons du soleil et les efforts investis à faire face aux multiples défis du parcours ont mis peu de temps à réchauffer les ardeurs des coureurs s’élançant avec entrain dans un parcours enchanteur mais des plus techniques.

Cette troisième tranche de la série UltimateXC (après celle de Val-Morin en juin et celle de Jay Peak, Vermont, en juillet) fut une expérience extraordinaire, bien que les coureurs attirés par le bitume ou ceux carburants aux applaudissements des spectateurs ne seraient guère de cet avis…

Une vingtaine de québécois ont pris part aux diverses épreuves de la première édition de cette course (en plus de la course de 50 km à laquelle j’ai participée, des parcours de 20 et 10 miles étaient également offerts). A noter qu’environ 30% des coureurs inscrits au 50km ne pouvant compléter l’épreuve ont dû s’en remettre à celle de 20 miles en cours de route.

Le parcours escarpé et hors des sentiers battus fut sans contredit celui avec le plus haut niveau de difficulté auquel j’ai participé à ce jour. Le paysage à couper le souffle et le sentiment d’accomplissement m’ont par contre permis de compléter l’épreuve avec un immense sentiment de satisfaction. Il s’agissait pour moi d’une 13e course d’endurance cette année et d’un marathon ou ultra marathon dans un 33e état américain (plus que 17 états à conquérir en route vers mon objectif de compléter un marathon ou un ultra dans chacun des 50 états) et cette épreuve restera gravée à jamais dans ma mémoire !

L’organisation hors pair avait pris un grand soin de bien baliser le parcours – des indications étaient d’ailleurs présentes à tous les 10-15 mètres – ce qui fut très apprécié après les mésaventures vécues par plusieurs coureurs s’étant égarés lors du UltimateXC de Val-Morin (dont l’auteur de ces lignes…). Les postes de ravitaillement étaient judicieusement placés, même si un point d’eau additionnel aurait été apprécié après avoir franchi le dernier défi important du parcours (le sommet du Moab Rim trailhead).

Le grand succès de cet événement aurait été impossible sans la générosité des bénévoles et le dynamisme de toute l’équipe de Dan DesRosiers, le directeur des courses UltimateXC.

Bonne continuation au UltimateXC !

Site web : http://www.ultimatexc.com/

Ultimate XC

Ultimate XC

L’ultime marathon ?

En ce 21 juin 2008, par une belle journée juste un peu humide et ensoleillée, la petite ville de Val-Morin nichée au coeur des Pays-d’en-Haut, accueillait la toute première édition du « Ultimate XC » en sol canadien sous la présidence d’honneur de Jacqueline Gareau, grande dame du marathon. Avant d’aller plus loin, j’exprime d’emblée que mon récit n’est pas celui que j’envisageais d’écrire parce que mon marathon fut malheureusement interrompu à mi-chemin. Quoiqu’il en soit, cette épreuve, même tronquée, s’est avérée une expérience inoubliable et instructive ainsi que vous le découvrirez en lisant ce qui suit.

L’organisation

L’organisation Ultimate XC ou Americas Ultimate Off Road Challenge (http://www.ultimatexc.com) a pour mission de tenir des événements sportifs en plein air, hors des sentiers battus (autant au sens propre que figuré). Plus précisément, Ultimate XC est maître d’œuvre de 3 séries d’événements, à savoir : course à pied, vélo de montagne et épreuves multi-sports par étapes.

S’agissant de la série de course à pied, 3 épreuves figurent au menu en 2008 : après Val-Morin, la prochaine aura lieu à Jay au Vermont le 26 juillet (désolé, c’est complet depuis quelque temps déjà) et, en guise de dessert, l’aventure prendra fin à travers les décors spectaculaires du désert de Moab, Utah, le 15 novembre (épreuves de 10 et 20 milles, et 50 km). L’organisation Ultimate XC est présente à Jay (près du centre de ski éponyme) depuis 7 années et s’est méritée une réputation enviable pour l’originalité de ses parcours et le fort calibre des diverses épreuves.

L’événement

Pour cette première québécoise, l’événement comportait trois épreuves de 10, 21 et 42 kilomètres ainsi qu’une course de 2 km pour les 10 ans et moins. Ces défis sportifs plutôt relevés s’inscrivaient dans un cadre festif puisque des jeux forains, spectacles et activités culturelles figuraient aussi à l’horaire jusqu’en soirée (avec des feux d’artifice pour couronner le tout). Un service de garde pour enfants de parents compétiteurs était même prévu! D’ailleurs, la ville avait décidé de devancer les fêtes de la St-Jean-Baptiste au 21 juin, et les autorités avaient bouclé tout le secteur de la mairie où les activités se déroulaient. Ainsi étaient conjugués efforts et plaisir en cette journée endiablée.

Les particularités

Avant d’aborder la course, il faut souligner à quel point celle-ci se trouve dans une catégorie à part et les informations dispensées sur le site web officiel ne manquent pas de mises en garde sur ses particularités, difficultés et (n’ayons pas peur des mots) risques. En effet, nous étions avertis qu’il nous faudrait gambader sur un tapis de roches, boue et racines à travers ruisseaux, marécages, clairières, forêts, escarpements, rochers et autres caprices topographiques dont Mère Nature a le secret.

Toujours d’après le site web, il fallait s’attendre à courir environ le double du temps autrement requis pour une course de même distance sur bitume, en l’absence de bornes indiquant le kilométrage sur le parcours et avec des stations de ravitaillement plus espacées (le ravito perso était recommandé).

Le site web comportait par ailleurs un forum où les inscrits pouvaient partager leurs impressions face au défi qui les attendait et où le « G.O. en chef », Dan DesRosiers, en profitait pour annoncer les dernières mises à jour et prodiguer quelques conseils (notamment quant à l’importance d’utiliser des chaussures « trail »). L’enthousiasme des blogueurs atteignait son paroxysme quelques jours avant l’événement alors que l’organisation annonçait l’ajout d’une traversée à la nage (300 pi. avec l’aide d’un câble) d’un lac résultant d’un barrage de castors. Cela vous donne une idée du genre de parcours!

Le départ

Quelques minutes avant le départ, madame Gareau y allait de son discours de bienvenue (bilingue étant donné la présence de coureurs du ROC et des USA). Notant la présence d’un nombre important de « masters », elle déclara quelque chose comme : « ce n’est pas parce qu’on vieillit qu’il faut cesser de s’amuser et c’est lorsqu’on cesse de s’amuser que l’on vieillit ». À retenir! Ne voulant pas être en reste, M. DesRosiers, tel Winston Churchill promettant « blood, sweat and tears » au peuple à la veille de la Bataille d’Angleterre, proclamait bien haut quelque chose comme « je suis votre pire cauchemar ». Rien de moins!

Toutefois, ces « menaces » ne semblaient pas affecter la bonne humeur du peloton au départ et j’ai d’ailleurs trouvé notre petit groupe très convivial. Ici, pas de grosse tête ou de types stressés (« pas parlables ») avant le signal de départ, contrairement à d’autres courses auxquelles j’ai participé. Il va sans dire que je n’ai pas vu de Kenyans…

La caravane du marathon s’ébranlait à 8h00 AM et celles du 21 km, 10 km et 2 km suivaient à une heure d’intervalle. La toute première section du marathon nous amenait sur un sentier très étroit parcourant un terrain plutôt accidenté et abrupt derrière la mairie; on aurait voulu nous plonger immédiatement dans le bain qu’on ne s’y serait pas pris autrement. Ensuite, après une très brève incursion urbaine, nous plongions dans les entrailles de la forêt pour de bon.

La course

Très vite, le parcours devenait très « technique » : les sentiers n’ont définitivement rien à voir avec ceux, bourgeois, du Mont St-Bruno. Il faut demeurer très attentif où l’on pose le pied sans toutefois trop baisser le regard afin d’éviter les branches qui peuvent soudainement s’imprimer sur notre front. Dès que le tempo s’élève, il faut augmenter le degré de concentration d’autant; la vigilance s’impose à tout moment.

Certes, ce n’est pas de tout repos mais je me suis presque surpris à aimer cela, grisé par cette communion avec la nature et l’effort… Pour ce qui est des portions très difficiles, il suffit de ralentir, en profiter pour reprendre son souffle et reprendre ensuite le tempo. Et voilà! Ce n’est pas plus compliqué que cela : une pente, un rocher, un marécage à la fois… En plus, il faut dire aussi que certains points de vue valaient vraiment le détour. Il fut par ailleurs saisissant de voir un coureur s’enfoncer jusqu’aux hanches à quelques mètres devant soi dans une portion marécageuse du parcours, laquelle précédait une interminable montée qui nous a forcés à marcher. Bref, en ces lieux, l’homo runningus touche au nirvana.

Aussi, il m’est apparu plus aisé de gérer l’effort parce que le facteur « chrono » s’avère de moindre importance. Comme les 7 marathons sur bitume que j’ai complétés ne pouvaient servir de base de comparaison, je manquais de repères pour l’aspect temps de toute manière.

Le tracé

Le parcours traversait nombre de terrains privés et quelques sympathiques propriétaires agissaient comme bénévoles aux stations de ravitaillement. Il convient ici de les remercier en souhaitant qu’ils veuillent bien réitérer l’expérience l’an prochain. D’ailleurs, afin de préserver ce caractère privé, l’organisation avait décidé de ne pas afficher le tracé des courses sur le site web, ni de distribuer de plan aux participants.

Afin de bien baliser le parcours, l’organisation avait pris un grand soin de le parsemer de nombreuses flèches et, sur les premiers kilomètres, a utilisé une très généreuse quantité de ruban adhésif jaune. Malgré cela, il existe UN endroit (soit un croisement permettant de passer d’une boucle à la suivante) où les indications n’ont malheureusement pas suffi à bien guider une trentaine de coureurs (marathon et autres courses), dont l’auteur, quelque part après le poste de ravitaillement du 15.3 km. Ainsi, au lieu d’attaquer une nouvelle boucle et poursuivre vers l’arrivée, la trentaine d’égarés recommençaient la même boucle. C’est dommage parce que, dans l’ensemble, j’ai trouvé la signalisation à la hauteur, compte tenu de la nature capricieuse du parcours.

La mésaventure

Pour ma part, au moment où je me suis rendu compte que je passais à côté du même couple d’ambulanciers, je constatais qu’après plus de 2 heures et quart de course (et au moins 30, sinon 40 minutes depuis le poste de 15.3 km), je me dirigeais de nouveau vers le poste de 15.3 km (que j’estimais d’ailleurs atteindre dans plus de 30 minutes supplémentaires) et ce, sans savoir où je m’étais trompé de direction auparavant. Je dois admettre qu’après avoir récité un chapelet à voix haute, j’ai commencé à être passablement découragé parce que je souhaitais faire un marathon, pas un ultra. Je n’ai par ailleurs pas songé à rebrousser chemin puisque je doutais fortement trouver le bon croisement en courant en sens inverse! Un plan du parcours localisant les ambulanciers (et autres points d’intérêt) m’aurait été utile, je crois.

En ruminant de mauvaises pensées et en tentant de calculer le temps qu’il me restait tout en supposant que je trouverais le bon chemin à la seconde tentative, je constatai que mon compagnon de course (égaré, lui aussi) m’avait passablement devancé. En continuant de maugréer et calculer, j’ai accéléré le pas pour le rejoindre et je suis convaincu aujourd’hui (avec le recul nécessaire) que mon degré d’attention au parcours (et ses nombreux pièges) a diminué dès cet instant. En une fraction de seconde, mon pied s’est soudainement tourné vers l’intérieur et une douleur vive s’est manifestée. Résultat : une cheville drôlement enflée, des bouts de ligaments déchirés et un marathon irrémédiablement raté!

Après avoir récité un nouveau chapelet, plus intense que le premier, j’ai bien tenté de poursuivre ma route mais, la mort dans l’âme, j’ai dû me résigner à faire demi-tour et rejoindre le couple d’ambulanciers, heureusement à proximité. Alors qu’ils examinaient ma cheville gauche endolorie, j’étais aux premières loges pour constater la surprise (mêlée de colère pour certains) sur les visages des coureurs qui découvraient qu’ils passaient de nouveau à côté des 2 mêmes ambulanciers! Ces derniers m’ayant très fortement recommandé de cesser de courir et, en ne sachant pas si je devais courir 48, 50 ou même 55 km en bout de ligne, je me suis résigné au retrait de la compétition.

Cette décision fut bien plus douloureuse moralement que physiquement. J’estime avoir parcouru presque la moitié de la distance (en incluant la portion recommencée) et j’avais encore suffisamment de jus dans le réservoir pour aller jusqu’au bout. Je serais donc demeuré sur mon appétit si j’avais couru le demi-marathon.

Quel dommage! J’aurais vraiment aimé traverser le lac vers le 30e kilomètre. Finalement, remettre ma puce à l’arrivée sans récolter de médaille en retour fut un coup très dur pour l’orgueil. Il y aura un trou béant dans ma collection de ces breloques et, dans la même veine, je donnerai mon chandail puisque je n’ai pas complété cette course.

La leçon

Je me console en sachant qu’il y aura d’autres marathons (le prochain : Québec) et je peux vous assurer que les moments où je franchirai le fil d’arrivée seront désormais davantage appréciés. Je ne regrette vraiment pas ma participation et, avec le temps, je suis déjà convaincu que j’en conserverai un excellent souvenir. C’est d’ailleurs le cas des nombreux coureurs qui ont depuis partagé leur expérience sur le forum du site web.

J’ai appris qu’en participant à ce genre de course, il faut être prêt pour une gamme plus vaste d’éventualités que pour un marathon « ordinaire », y compris de s’égarer! Par conséquent, il faut se préparer mentalement à parcourir une DISTANCE PLUS GRANDE que celle qui est indiquée, au besoin. Même s’il ne faut pas se laisser intimider par les menaces de cauchemar et autres affirmations du genre, il faut néanmoins être conscient des risques intrinsèques à ce type d’activité. J’étais fin prêt pour courir environ 42 km, mais pas 48, ni 52…

Les résultats

Pour fins de statistiques, le vainqueur du marathon (âgé de 50 ans, il faut le souligner) compléta l’épreuve en 4h08, la première dame en 4h33 et le dernier brave en 8h21; pour le demi, les temps sont respectivement de 2h16, 2h47 et 7h10; et 1h21, 1h38 et 3h44 pour le 10km. Le vainqueur du 2k enfants a terminé en 6 minutes 7 secondes et le dernier en un peu plus de 15 minutes. 59 coureurs ont terminé le marathon, 132 pour le demi, 140 pour le 10km et 42 enfants (notre relève). Sincères félicitations à tous.

Un lunch typiquement nord-américain servi par de très aimables et souriants bénévoles attendait les finissants des épreuves qui avaient aussi le loisir de prendre une douche ou bénéficier d’un massage réparateur. Une médaille commémorative presqu’aussi terne que celle du marathon de Montréal (c’est dire!) était remise à l’arrivée; une amélioration pour élever ce souvenir à la même hauteur que le calibre de l’événement serait bienvenue.

De plus, nonobstant mon mea culpa ci-dessus et pour le bénéfice de tout futur événement Ultimate XC au Québec, j’ose suggérer que les coureurs ainsi que les bénévoles soient munis de plans sommaires des parcours où seraient clairement indiqués les différents points de ravitaillement et autres particularités du parcours (e.g. chute, cabane, etc.) avec des estimés de distance, tout en ne fournissant aucune indication reliée aux propriétés privées.

De retour l’an prochain ? Il faut l’espérer. Mon égarement ne m’empêche certainement pas de transmettre mes félicitations à l’organisation pour son travail colossal.

Marc Dagenais